Le Silence de Bush et de ses Médias
Le Département d’Etat Américain et les événements de Kabylie
Depuis le début de l’année 2002, les médias français n’émettent presque point d’information sur les événements de Kabylie, ne montrant point du doigt ni les exactions des forces de police, gendarmerie et CNS, ni les arrestations des leaders du mouvement citoyen. Au silence de médias Chiraquiens, vient s’ajouter celui des médias Bushiens? A vrai dire, n’assistons-nous pas à un jeu au plus silencieux ? La coupe étant le pétrole et le gaz que les généraux algériens bradent pendant que le peuple fait les frais de l’insécurité qui ne dit pas son nom.
Devons-nous faire confiance à la nouvelle administration à la Maison blanche. Depuis son arrivée celle-ci n'a osé émettre de critique envers le gouvernement algérien qui continue sa répression brutale du mouvement citoyen en Kabylie et dans les quelques autres régions du pays. Le Président Boutelflika, n'a-t-il pas été reçu par le Président Bush juste après que la répression du Printemps noir avait fait plus de 110 morts et trois milles blessés? A-t-il été récompensé pour avoir montré sa capacité de tuer des jeunes dont certains sont les petits-fils du peuple qui s’est sacrifié pour une Algérie libre et indépendante? Pire que le loup, c’est le chien de garde qui tue les moutons qu’il est censé protéger.
Le comble a été poussé lorsque l'ambassadrice de Bush, Mme Janet S. Sanderson, a envoyé son émissaire à Tizi-ouzou pour convaincre le FFS et le RCD de participer aux élections législatives du 30 mai dernier. C'est delà à déduire que l'ambassadrice joue le jeu des généraux algériens, et oeuvre à donner une image de démocratie, oubliant parfaitement que les élections ne sont point garant de démocratie surtout si le gouvernement les organise, en nomme les commissions de surveillance, les contrôle, en compte les bulletins, et en annonce les résultats: C’est à dire autant d’occasions pour les truquer.
Remontons dans le temps jusqu’au 5 février 1998 à Washington DC. Le Comité des Affaires Internationales du congrès s’était réuni pour discuter du problème du terrorisme et de la sécurité en Algérie. A la question de M. Payne, un membre du congrès sur une éventuelle enquête sur les massacres, l’ancien ambassadeur algérien Ramtane Lamamra répondit que l’Algérie ne pouvait permettre aux USA ou à l’ONU une quelconque enquête car «le problème est interne et ne sera résolu que par les Algériens eux-mêmes par le biais de leurs institutions qu’ils ont élues»[i]. De quelles institutions parle-t-il ? Le gouvernement algérien considérait cette demande d’enquête comme une ingérence dans les affaires internes de l'Algérie. L’on se demande alors pourquoi ni lui et ni les sbires religieux à sa solde n’ont dénoncé la visite des émissaires de Janet Sanderson à Tizi-Ouzou. Le gouvernement, lui-même, n’a aussi émis aucune réserve à l’encontre de cette ingérence du moment qu’elle servait ses intérêts.
Les liens entre Washington et Alger sont multiples. Interrogé au sujet des événements de Kabylie par le journal électronique « Algeria-Interface » sur son site Internet, un ancien sous-secrétaire du Département d’Etat et aussi ancien ambassadeur en Tunisie, Richard Pelletreau répondit que ces événements n’auront aucun effet sur les relations algéro-américaines bien que le gouvernement algérien viole les droits fondamentaux du peuple Amazigh. Il ajouta : «Je ne pense pas que les choses s’empireront [pour les Imazighen] mais deviendront meilleures. » Il est bon de rappeler que l’ambassadeur Pelletreau est aussi un membre du conseil d’administration du Center for Centemporary Arab Studies de l’Université de Georgetown, le même centre qui avait organisé un séminaire, le 12 mars 2002, sur l’Identité algérienne et où Azzedine Layachi, servant la propagande du pouvoir algérien, avait prononcé un discours virulent à l’encontre du mouvement citoyen et de l’identité Amazighe.
Depuis l'arrivée des républicains à la Maison blanche, presque aucune critique des atteintes aux droits de l'homme en Algérie n’a été émise. Même les observateurs internationaux ont remarqué que l’attitude de l’administration Bush a marqué un virement vers les affaires aux dépens des droits de l’homme et de la démocratie. Il est donc à croire que la soi-disant déclaration de l’administration Bush qui indiquait avoir mis l’accent sur les droits de l’homme et la démocratie lors de la visite du Président algérien n’est qu’une « déclaration », c’est à dire des mots que l’on sort pour faire plaisir. Après, c’est le business comme d’habitude.
Il est à rappeler que l’ancienne administration, celle de Clinton, n’avait pas mieux fait. Durant son règne, une sorte d’une position « wait and see » qui consistait à se croiser les bras et attendre le gagnant de la bataille Dictateurs contre Intégristes. En ce temps la, le FIS avait même un bureau à Washington et Anouar Haddam avait même justifié à la TV la bombe à la voiture piégée de l’avenue Colonel Amirouche. Bien qu’arrêté et mis en prison par le bureau de l’émigration, il est aujourd’hui libre de circuler et a même participé à la conférence organisée par l’université de Georgetown. Alors entre une administration de Clinton qui semblait jouer la carte du FIS, et celle de Bush qui vraiment joue la carte des dictateurs, le peuple algérien n’a rien à espérer de ce côté de l’Atlantique.
Au silence de l’administration américaine sur les évènements du Printemps noir de 2001 s’ajoute le silence assourdissant de la grande presse à grand tirage telle que le « New York Times » (plus de 1.8 millions d’exemplaires par jour.) Une sorte de « touche pas à mon dictateur » est de rigueur. Les articles du NY Times semblent protéger et innocenter le gouvernement, présentant le conflit gouvernement-kabylie souvent comme un problème ethnique Arabe-Berbère. L’édition du New York Times du 20 décembre 2001 en est l’illustre exemple bien que l’article ne donne aucune preuve de problèmes entre les populations arabophones et berbérophones. Peut-être le New York Times est une rallonge de l ‘Unique quand on se rappelle la marche du 14 juin 2001 ? Aussi les nombres de tués et blessés de Kabylie ne sont jamais mentionnés et les arrestations des délégués des aarchs et de celle de Belaid Abrika ne sont point reprises par la presse. Ce silence sur les exactions de la police et du gouvernement n’est sûrement pas une coïncidence, mais probablement une censure requise/promise par l’alliance Bush-Bouteflika. Nous sommes loin du 25 avril 1980 lorsque le New York Times publia un article avec pour titre «Algeria Accuses US and Others for Berbers’ Unrest » (L’Algérie accuse les USA et d’autres d’être derrière le soulèvement des berbères).
Quant aux radios et télévisions, c’est presque un black-out complet sur l’Algérie. Interrogé sur les raisons de cette censure, un chef d’une antenne nationale, sous condition d’anonymat, expliqua : « Le public américain n’est point intéressé par l’Afrique du Nord, qui était plutôt un trou noir pour lui. » Reste à savoir si ce trou noir est maintenu afin de fructifier les affaires entre Bush et Bouteflika ? L’indication est le dernier contrat d’une valeur de 745 millions de dollars octroyé à Kellogg Brown & Root (KBR) et la firme japonaise JGC pour les projets d’In-amenas et d’Ohanet. Il faut noter que KBR est une filiale de la compagnie Halliburton, dont l’ancien PDG était l’actuel Vice-président de Bush, à savoir Dick Cheney. Reste à vérifier si cette affaire pouvait s'ajouter à l'affaire ORASCOM ?
Ainsi lorsque l'administration Bush s'allie avec un régime sanguinaire tel celui des généraux, les conséquences sont un déni des libertés, des droits de l'homme et des valeurs universelles que Chirac et Bush ne cessent de chanter en unisson aux quatre coins de la terre. A moins que ceux-ci ne soient que des paroles que le vent emporte facilement. Les actions généralement ne suivent jamais, et les excuses – d’autres paroles - pourront toujours être émises. L'ancien président, Bill Clinton ne s’est-il pas rendu aux Ruanda pour s’excuser pour ne pas être intervenu pour arrêter le massacre des Tutsis. Bush ou son remplaçant pourrait toujours venir s’excuser, sauf que le massacre des algériens ne se fait par petit nombre chaque jour. Il est à croire que les relations internationales sont régies par l’avidité de l’argent et de puissance et non par les droits à la vie et à la liberté. Le silence n’est-il pas consentement et peut-être même complicité?
[i] Hearing on the Subcommittee on Africa, February 5, 1998. US Government printing Office, ISBN 0-16-056412-3